- D’où vient votre intérêt pour la défense des régions polaires ?
C’est une longue histoire. Quand j’ai eu le bonheur en 1988 de contribuer à stopper la guerre civile à l’oeuvre en Nouvelle-Calédonie, cela m’a valu un certain respect dans l’océan Pacifique. En 1989, le 1er ministre australien, en visite en France, m’a fait part de sa position isolée sur la scène internationale. Il ne souhaitait pas ratifier le 3ème protocole complémentaire au traité de l’Antarctique, qui autorisait l’exploitation du pétrole dans la région. Je lui ai apporté mon soutien, et nous avons signé 3 ans après le protocole de Madrid, qui consacre la protection absolue de l’environnement en Antarctique. Interdiction y est faite d’exploiter des ressources minérales et d’y mener toute activité autre que de recherche scientifique. L’Antarctique a été déclaré Terre de science, réserve naturelle de l’humanité. Tout ce que j’ai appris à l’issue de cette bataille a fait naître en moi une passion pour ces sujets. La communauté scientifique polaire française m’a ensuite sollicité sur l’Arctique, où les glaces fondent à toute allure, où il y a du pétrole en réserve et où des marées noires peuvent menacer sans que personne ne sache comment les traiter. Il faut absolument protéger l’Arctique.
- De quelle marge de manœuvre dispose la France sur ces questions ?
La France n’est pas un pays riverain de l’Arctique. Elle n’est pas non plus un armateur de flottes immenses, mais elle est membre de l’UE. Or celle-ci comporte le Danemark, qui, via le Groenland, se trouve être riverain de l’Arctique. Voilà pourquoi l’UE a demandé à être représentée au conseil arctique. La France peut donc être influente au travers la diplomatie européenne. Dans l’immédiat, mon travail consistera à préciser les lignes diplomatiques d’offensive dans tous ces domaines et de jumeler cela avec les négociations mondiales sur le climat.
- Concrètement, quelles vont être vos premières démarches ?
Je dois d’abord rencontrer les ministres des Affaires étrangères des pays riverains et de quelques grands autres afin de trouver une plate forme d’objectifs communs. Je vais les écouter pour définir les objectifs que la diplomatie internationale pourrait se donner à propos de l’Arctique. Il faudra trouver un large consensus chez les riverains et chez les autres. Si l’océan arctique devient navigable, ce qui est possible d’ici une dizaine d’années, tout le monde va y avoir des intérêts, à commencer par la Chine et l’UE, deux gros commerçants. Mais je ne suis pas capable aujourd’hui de décrire une méthode d’action. Il faut d’abord arriver à une batterie d’objectifs concernant la sécurité maritime, la préservation de l’environnement, et la lutte contre les accidents. Aujourd’hui, rien de tout cela n’existe. L’obstacle sera la somme des intérêts nationaux, car la prise de conscience ne suffit pas à vaincre les intérêts pétroliers, surtout du fait de la rareté de la ressource. Si l’on devait forer intégralement tous les gisements disponibles dans l’Arctique, on doublerait la production de gaz à effet de serre, ce qui est extrêmement inquiétant. Ma mission est un beau combat. C’est en tout cas la reprise de celui que j’ai commencé avec l’Antarctique il y a tout juste 20 ans.
Crédit photo : Le Cercle Polaire, une ONG qui édite le premier journal électronique francophone dédié aux régions polaires
Plus sur le premier voyage de Michel Rocard en Antarctique avec Le Cercle Polaire sur le site du Nouvel Obs
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